Pour son deuxième apéro-débat, Champ libre s’est intéressé à l’architecture des établissements pénitentiaires pour questionner le sens des murs.

Quel est le poids de l’architecture sur le quotidien et le devenir des personnes détenues ? Sur les relations « dedans-dehors » ? Que nous disent les murs sur la fonction sociale de la prison?

Autant de questions auxquelles nous avons tenté de répondre dans un bar du 19ème arrondissement, un mercredi de juin, autour du mélange habituel: quelques verres, une cinquantaine de participants et des intervenants de premier choix.

  • François Boullant: agrégé de philosophie, expert de Foucault et du concept de panoptisme, il a enseigné au Centre Pénitentiaire de Fleury-Mérogis de 1970 à 1987 et continue aujourd’hui d’y intervenir, à titre bénévole, avec l’association « Lire c’est vivre » ;
  • Augustin Rosenstiehl : architecte co-fondateur de l’agence SOA, auteur, avec Pierre Sartoux, de l’ouvrage « Construire l’abolition, vers la prison constitutionnelle » ;
  • Olivier Milhaud: agrégé de géographie et maître de conférences à l’Université Paris-Sorbonne, auteur d’une thèse sur la mise à distance et la punition par l’espace dans les prisons françaises.

Bribes de conversations :

  • Sur la conception et l’histoire des prisons

« Pendant longtemps, l’architecture des établissements pénitentiaires se limitait à la gestion des problèmes sanitaires. Aujourd’hui, la prison répond à deux objectifs contradictoires dans la mise en œuvre : punir et réinsérer. Les murs incarnent la schizophrénie de ces deux missions.»

« La punition se fait par la mise à distance, l’isolement. La détention obéît également à une logique de surveillance permanente. L’incarnation du panoptisme contemporain ce sont les caméras de surveillance. »

  • Sur le rôle de l’architecture dans le dispositif pénitentiaire

 «L’agencement des espaces en prison obéît à deux mots d’ordre : séparation et optimisation de l’espace. Face aux cahiers des charges rédigés par les ingénieurs de l’administration pénitentiaire, les marges de manœuvre de l’architecte sont proches de zéro. L’espace de la cellule est la compression complète de tous les usages du quotidien dans un seul et même lieu ; le détenu mange, dort, se lave, lit dans un seul et même lieu. Il n’y a plus aucune place pour l’intime. »

« L’enfermement produit des maladies physiques (problèmes de vue, douleurs lombaires, etc.) et mentales (folie, dépression, etc.). La détention place le détenu dans la forme la plus extrême d’infantilisation et de désocialisation. Il faut penser des espaces de vie permettant de multiplier les appartenances sociales, objectiver les rapports entre les usages et les espaces. »

Pour aller plus loin, consultez l’ouvrage “Construire l’abolition” réalisé par le Groupe d’architecte SOA en partenariat avec l’Ecole d’architecture de Paris Malaquais qui revisite l’architecture carcérale en prônant un cahier des charges résolument tourné vers l’humain.