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Les retours de Camilla Maiani, Laurent Chevalier, Romain Kukla et Michel Spiro …

Depuis près de 3 ans, étudiants et chercheurs de l’université d’Orsay (astrophysique) et du CEA Saclay (physique des particules) proposent de discuter des expériences, missions et découvertes les plus récentes de leur domaine lors des ateliers à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy.

A l’origine contactés par Antoine Minussi de Champ Libre pour étrenner les planches en faisant le tout premier atelier, le duo Laurent-Romain s’est élargi en petite troupe de 4 personnes aux profils et aux anecdotes très différentes : si Laurent Chevalier, chercheur du CEA de la collaboration ATLAS rôdé à la vulgarisation, ne redoute nullement de discuter avec les détenus des résultats bruts (histogrammes) tirés de la publication du dernier prix Nobel dans la discipline, Michel Spiro, du haut de sa longue carrière au CEA et à l’IN2P3 qui l’a mené jusqu’à la présidence du conseil du CERN, décrit avec enthousiasme le modèle scientifique de coopération mondiale qu’il a pu observer à Genève ; Camilla Maiani, physicienne en post-doc, et Romain Kukla, doctorant, tous deux impliqués dans l’expérience ATLAS, témoignent, quant à eux, du quotidien de la recherche, des questions ouvertes à résoudre et de leurs sujets d’études passionnants.

Même si la vulgarisation fait partie prenante de leur mission scientifique, que ce soit dans les écoles/lycées/universités ou à des occasions très diverses (radio, presse, fêtes et festivals en tout genre), les lieux de privation de liberté étaient jusqu’alors dans l’angle mort des publics auxquels ils s’adressaient. Et comme il ne devrait, a priori, n’y avoir aucune raison d’exclure un public de la culture scientifique, les 4 physiciens des particules ont dit banco à l’expérience Champ Libre !

Avec pour seule peur celle de paraître rébarbatif, sur un mode trop scolaire de professeur à élève … alors même qu’à chaque atelier, les personnes présentes étaient totalement intéressées par le sujet et se prenaient au jeu de vouloir chercher une faille dans la méthodologie des analyses de données en physique des particules. Même si le débat s’élargit très vite, passant de la matière noire à la politique ultralibérale de réduction des budgets de la recherche, du boson de Higgs à la vie extraterrestre, des neutrinos à la possibilité de fabriquer une fusée allant plus vite que la vitesse de la lumière, les échanges se font très vifs et bientôt, CERN comme LHC ne sont plus qu’un prétexte pour essayer de transmettre le bien fondé de la méthode scientifique et du rôle que peut jouer la science comme dénominateur commun entre les peuples et les nations.

Les 3 heures d’ateliers passent en un rien de temps et bientôt le quotidien de chacun reprend son cours. Les uns, avec peut-être l’impression que la physique est autrement plus fascinante que dans leurs souvenirs d’écolier et les chercheurs pas si différents d’eux-mêmes ; les autres, avec sans doute encore plus d’humilité qu’avant devant la réalité carcérale, mais très certainement avec l’envie d’y revenir. En tout cas, l’expérience Champ Libre est maintenant un sujet de discussion autour de la machine à café, convaincant de nouvelles personnes d’aller, un jour, parler en prison … à grands renforts de sketchs hollywoodiens de Laurent décrivant le boitier d’alarme rouge qu’on lui a remis la toute première fois, à n’utiliser qu’en cas de mutinerie pour une exfiltration manu militari de l’intérieur de la prison.

Alors, pari réussi ? Oui, à en croire le fait qu’ils sont revenus parler du LHC et du CERN plusieurs fois en prison et que la problématique carcérale est discutée dans les labos, même si la faible quantité de personnes concernées par ces ateliers n’est qu’une goutte d’eau. Il n’empêche, eux plus que n’importe qui savent que le comportement de la plus infime des particules fondamentales peut suffire à faire basculer le destin de l’univers…