Les 18 et 19 mai dernier, Reda du collectif Robins des Murs réalisait l’exploit pour Aïda de courir 300 kilomètres sans s’arrêter, en 27 heures et 44 minutes !! Un exploit surhumain, et pour comprendre ce qu’il se passe dans sa tête pendant qu’il relève un tel défi, rien de tel que l’écouter raconter.. à peine remis de sa course, il nous livre son récit heure par heure ! Prenez le temps de le lire en entier, ça vaut le détour !

Lettre de Reda suite à son exploit « OPERATION SPARTIATE – 300 km »

Bonjour, reviens sur la course « OPERATION SPARTIATE 300KM » en faveur de l’association Aida, afin de maintenir un lien avec toutes celles et ceux qui m’ont servi, accompagné, encouragé.

La course a eu lieu le 18 mai, mais tout a commencé 3 mois avant pour la préparation de l’évènement.

La course du mois de janvier pour accompagner la collecte du Secours Populaire avait été annulée dû à ce covid qui a « embêté » tout le monde. L’entraînement avait été rude et j’en sortais avec quelques séquelles aux tendons d’Achille.

Après cette annulation, j’ai donc décidé de couper mon entraînement durant 2 semaines afin de me régénérer et pouvoir arriver « reposé » pour la préparation de ces 3 prochains mois.

J’ai décidé de changer de méthode d’entraînement, j’avais pour habitude de faire des séances quotidiennes extrêmement chargées et de relâcher 2 jours par semaine.

Cette fois-ci, j’ai décidé d’en faire moins quotidiennement mais sans « pratiquement » de jours de repos, mais à la fin de la semaine j’avais plus de kilomètres !!!

Au début de la préparation, je traînais des « blessures » qui me trottaient en tête et m’inquiétaient.

Puis, au fur et à mesure, avec le travail effectué par Mathieu, l’ostéo que la direction m’a mis « à disposition », les douleurs diminuaient et la tête allait mieux, moins inquiet !

Donc voilà, l’entraînement se passait bien, j’enchaînais séance sur séance, fatigue sur fatigue et 15 jours avant, le repos était essentiel. Je me sentais prêt, plus fort physiquement, plus serein mentalement et impatient de pouvoir me surpasser pour l’association AIDA avec laquelle un lien particulier s’est créé. Mes amis s’entraînaient en même temps que moi, certains surveillants aussi car le dépassement de soi devait être le leitmotiv de cette journée en sachant pourquoi nous courrions tous…

Samy a mis en place le « recrutement » et le moment auquel chacun allait courir pour m’accompagner.

Le covid nous a épargné, la veille de la course je voyais Mathieu (l’ostéo) accompagné de Baptiste (réalisateur qui suit Aida) pour qu’il me place des strappings aux endroits où mon corps était « blessé » (lombaires, tendons d’Achille, psoas…) en prévention.

Donc nous y voilà, prêt, épargné par le covid…mais pas par la météo, en regardant la TV et voir qu’ils annonçaient un « dôme de chaleur », mon inquiétude n’était pas dans un premier temps la chaleur mais plus l’annulation de la course, en écoutant les consignes voire les ordres que me donnait Mme Douceret (ou Mme la Directrice) : casquette, crème solaire, eau, voire arrosage, je sentais une inquiétude que j’essayais de calmer en jouant la carte « à l’écoute » mais qui intérieurement, me motivait, par le fait que beaucoup de personnes s’inquiètent pour moi, me soutenaient, je voyais que j’étais extrêmement entouré et encadré.

Les 32° à l’ombre annoncés pour l’après-midi étaient pour moi une étape à passer en attendant le coucher du soleil et la fraîcheur (tu rêves !).

Le départ était annoncé à 9h. Tout était en place, les ravitos, le balisage de la piste, les relayeurs, le médical…

Il manquait la « pièce » qui matérialisait ces 3 mois d’entraînement, de courriers, de réunions, de fatigue, de hauts et de bas. Les tee-shirts bordeaux/prune de l’association Aida. Pour nous, c’est particulier quand elles et ils arrivent dans notre environnement, une certaine bonté, une certaine lumière s’installe, par tout ce qu’elles représentent et tout ce qu’elles défendent.

Donc 8h45, Léa vient, accompagnée d’une amie à elle, nous rejoindre sur le lieu de la course. La saluer, la voire se fondre totalement dans la masse, habitée par son projet et rien d’autre, me fait à chaque fois la même sensation et la même réflexion….

Bref, dans mon esprit et dans mon corps, pour moi, C’EST PARTI ! Dernières petites péripéties, nous attendons un autre bénévole AIDA qui a été englouti dans les bouchons parisiens et n’est pas présent pour le départ. Finalement, il arrive et le départ est donné à 9h22.

Zéro stress, totalement relâché, mais mon petit doigt me dit, vu le cagnard, à 9h et vu la distance à parcourir, « tu vas morfler » mais pas le temps de cogiter, ça arrivera quand ça arrivera et on verra !

 

« UN LANNISTER PAIE TOUJOURS SES DETTES »

Sur la ligne de départ, ma motivation à ma droite (Léa et les bénévoles), The Queen à gauche (directrice) qui s’apprêtent à donner le départ, tous mes amis et toutes les personnes qui m’encouragent sur le côté, vous savez c’est assez pour moi de me dire, je ne sais pas par où, par quoi je vais passer, mais à cet instant précis, en pensant aux personnes (familles, amis, inconnus…) qui vont eux aussi courir, mon cerveau a décidé et s’est bloqué sur la ligne d’arrivée 300Km !

The Queen : 3,2,1 !!! c’est parti, quelques tours avec Léa qui symboliquement lance la course, quelques échanges et les relayeurs entrent en piste.

Les premiers coureurs sont : Naim, Aurélien, Majid, Arsène, Cherif, Rany, Tryphon, Pierre, Mustapha, Mehdi, Michael, Mehmet, les bénévoles Aida Zacharia et Charlotte, Léa et Pierrot un surveillant.

Chacun court à son niveau, les confirmés atteignent les 2h de course, d’autres alternent course/repos mais la chaleur sape et use les jambes.

Ces relais me permettent de faire 2h sans trop les voir passer ! après 2h30 de course, l’équipe AIDA doit nous quitter, j’échange une dernière fois avec Léa, elle demande à quel moment il n’y aura pas beaucoup de relayeurs, je lui dis vers 18h30/19h30, elle me dit qu’à distance elle m’accompagnera et courra à cette heure-ci de son côté.

Son engagement, sa participation et son envie de m’accompagner me touchent et me motivent encore plus !

Il est midi, à peine 2h30 de course et le calme s’installe car tout le monde est parti déjeuner.

Et je me concentre maintenant sur le côté « physique », je sais que le côté « associatif », « se souvenir de pourquoi et pour qui je cours » me servira d’ultime joker et de bouée quand j’aurai des moments difficiles c’est normal mais je ne savais pas encore ce qu’il allait arriver !!!

Donc midi, je suis accompagné par le moniteur de sport Damien et une intervenante Myrtiana qui l’an dernier avait déjà couru avec moi pour finir le 24h. Cette fois-ci, elle s’est mise comme objectif de courir sur les 2 jours ! Damien s’est mis 5h de course d’objectif.

13h, première « alerte », j’ai déjà très chaud et je me rends compte que cela fait plus d’une heure que je n’ai pas ressenti le besoin d’aller aux WC ! déshydraté déjà ??? En tout cas, le soleil lui est au rendez-vous et cogne déjà !Je déteste courir avec une casquette mais je prends l’option de rester sérieux et de rassurer l’entourage et éviter un recadrage en public…Je décide aussi de boire légèrement plus !

13h30 soleil de plomb, pas d’ombre, Myrtiana finit son relais : 1h10 de course et quelques couleurs !

Arrivent en piste les relayeurs censés m’accompagner toute l’après-midi : Dany, Steeve, Manrouf et Damien toujours en piste mais de plus en plus silencieux, ayant l’habitude de courir avec lui, je sais que la chaleur est en train d’avoir raison de lui !

Certains relayeurs du matin sont revenus afin de faire un autre relais. Naim, Arsène, Chérif et 2 nouveaux coureurs entrent en piste alors qu’ils n’étaient pas prévus au programme ce qui me fait plaisir : Alain et Mamad.

Après 2h45, Damien décide de s’arrêter, il est 15h et la chaleur est à son maximum, pas d’ombre, « à peine » 6h de de course et la gamberge apparaît ! A peu près 70Km faits et j’ai l’impression physique d’en avoir fait 150. Il reste 230km et j’ai un premier vrai coup de moins bien dû au soleil et au doute qui s’installe. Je constate que je suis déjà en train de faire les comptes, de me motiver, d’essayer de chercher des bonnes pensées. L’an dernier, j’avais ces réflexes vers 18h de course, je suis déjà en train d’utiliser ça à 6h de course. Je cache ça bien sûr et essaie de rassurer Samy et les autres personnes qui passent avec des sourires, des pouces levés mais intérieurement ni sourire, ni pouce, une seule question : ai-je mis la barre trop haute ? est-ce que le soleil va m’user et je n’aurai pas la force de finir ? J’arrive à me remobiliser et à ne pas penser, je me concentre sur mes amis et je refuse de penser à AIDA maintenant, je sais que mon joker est très important et ne s’utilise qu’une fois la vraie détresse arrivée ! C’est ce que j’ai fait l’an dernier, à 2h de l’arrivée quand le physique et le mental n’étaient plus au rdv. Il faisait 10°.

Il est 16h30, Dany s’arrête à 3h de course, encore la chaleur qui a tapé ! Naim rajoute 2h à son relais du matin et la chaleur le punit ! Manrouf 2h15 et le cagnard l’arrête ! je retrousse mes manches de tee-shirt, et remarque la trace du bronzage nettement marquée, un autre jour pas de problème mais là je sais que le soleil me marque et me fait mal !

Arrivent d’autres relayeurs, qui en m’accrochant à eux je l’espère me ramèneront jusqu’à 18h30, il fera moins chaud me dis-je. Jonas, Jamel, Roberto, Max, Steve et Patrick intervenant boxe. Le silence s’installe entre nous car chacun doute et comprend le truc ! Chose que je n’ai jamais fait, j’enchaîne les serviettes trempées que je mets sur ma casquette. Certes, ça fait du bien mais ça me fait extrêmement douter.

9h de course, et je suis déjà à essayer de baisser ma température, à chercher du « confort » et à « lutter » contre la chaleur. Mentalement, très très dur à accepter, déjà, déjà, déjà, voilà le seul mot que j’ai en tête et je commence à réaliser qu’il reste 200Km et surtout dans cet état là !

18h30 : certains ont fait 2h, d’autres 2h30 et s’arrêtent, j’ai les visions d’eux en train de s’arroser, de boire, d’autres cherchent l’ombre pour s’y allonger. Mon « radio-réveil » sonne, il est 18h30, Léa va entamer son relais, ça me redonne un peu de force (3-4mn) et le soleil refuse que j’ai l’esprit ailleurs, sa chaleur m’empêche de penser et m’oblige à rester sur la piste brûlante et à subir ses rayons.

Il est 18h30, tout le monde rentre !!! 2 surveillants qui courent pour la 1ère fois avec moi rentrent en piste !!! nous échangeons et je me dis qu’à 20h il fera frais !!!

Arrive Stephen le pompier et Masque Adidas, 2 autres surveillants qui ont eu un rôle important dans le 24h de 2021.

Le pompier est là pour m’encadrer « médicalement » en cas de pépin et aussi courir, l’an dernier 5h de course. Masque Adidas s’occupe avec rigueur des ravitos.

Puis Fabien entre en piste, un surveillant auquel je sais pouvoir compter d’un point de vue athlétique, plusieurs courses nous avons pu partager ! il s’est mis 5h d’objectif. Je sais qu’il me ramènera jusqu’à la nuit.

Je commence à me rassurer, la fraîcheur va arriver ! (elle viendra à 4h du matin). Les 2 surveillants s’arrêtent (1h et 2h). Je suis avec Fabien, il est à peu près 20h et arrivent les 2 directrices, sur le coup ça me fait plaisir et m’inquiète ! Vont-elles voir que je suis déjà hyper entamé, que j’ai été « brûlé » au niveau des bras, ni une ni deux, un sourire rassurant pour montrer que tout va bien. Un ça va bien merci en guise de réponse. J’ai l’honneur d’être ravitaillé par Mme Douceret et là j’en profite pour « jouer » avec mon cerveau, je me dis : c’est unique comme scène, profites du moment, presque 12h de course et je prends donc ce moment comme un moment de « fraîcheur » mentale et je capitalise immédiatement dessus car ça va mieux et j’ai de meilleures sensations pour attaquer la nuit.

Arrive en piste le docteur de l’établissement accompagné de sa collaboratrice. Le docteur cède au bout de 40mn, Fabien va bientôt finir son relais, il fait nuit, un peu moins chaud mais pas au moins de faire du bien.

La collaboratrice du docteur m’étonne par son aisance en sachant qu’elle est novice et ne dépasse pas 1h de course normalement. Finalement, elle fera 2h à l’aise et son résultat aussi me fit capitaliser de l’énergie en voyant sa force et son implication. La prochaine fois un marathon lui suggérerais-je ! Pourquoi pas ?? voilà la réponse qui m’a remis un peu en selle.

Fabien clôture ses 5h comme promis ! une valeur sûre. Il est à peu près 23h, à peu près 13h de course. La moitié est faite et un constat s’impose à moi. Il te reste la même chose à faire, est-ce qu’il te reste la moitié de batterie ? Non loin de là ! Est-ce que t’es déjà bien entamé mentalement ? Oui beaucoup même ! Est-ce que le soleil t’a traumatisé ?? oui et oui !!

Tu vas être seul avec le pompier, je le sais capable de faire plusieurs heures mais combien ???

Et la chaleur ? je pose la question autour de moi, on me dit qu’il fait moins chaud mais je ne le ressens pas du tout.

Le pompier m’annonce que c’est Adidas qui va courir avec moi et qu’il courra après.

Je me dis qu’Adidas va faire 1h pas plus car il m’a toujours dit qu’il détestait la course. Au bout d’1h je vois qu’il « roule » encore et là je me dis tactique tactique. Si j’ai pas la force de parler longtemps, je suis déjà depuis longtemps en mode « cours, cours, cours… », d’un commun accord, je lui explique que je suis rincé et que désolé je ne pourrai plus trop discuter, que ça me demandait un effort en plus et que chaque gramme d’énergie m’était précieux.

Donc « cours, je te suis » voilà la tactique. Je l’ai suivi 2h sans échanger un mot, un sacré service qu’il m’a rendu.

Petite parenthèse : à 200m de nous, dans le ciel, orage, pluie mais pas une seule goutte pour nous. J’aurai assez apprécié de prendre une « douche » en courant.

Ces 3h effectuées, chapeau pour un mec qui déteste la course mais qui était habité, lui par l’envie que je finisse la course, m’a vraiment fait du bien et permis encore de capitaliser en positif, en me disant il est hyper motivé, ils se bat pour m’amener le plus loin, c’est hyper plaisant, lâches pas ! Merci pour cette « recharge » mentale Adidas !

Plus de 200Km déjà faits,  et ce fut au tour du pompier d’arriver. Il est 1h du matin, ça va un peu mieux mais je sais que ces moments « d’un peu mieux » sont éphémères et vite remplacés par « j’en peux plus ». Adidas se met au ravitaillement et pompier prend le relais. Même tactique, cours je te suis !!!

Au bout d’une trentaine de minutes, je me rassure en écoutant le « t’as raison, il fait super lourd » du pompier. Les Tee-shirts ont sauté et ça roule, roule, roule, roule, j’essaie d’avaler le maximum de kilomètres car il fait déjà plus frais et je sais que la chaleur et moi nous nous sommes dits bonne soirée et à demain matin !

Il est 5h du matin, plus un bruit, Adidas se bat avec la fatigue des 3h pour rester éveillé et assurer les ravitos, le pompier avance et commence à fatiguer, il a plus de 4h dans les jambes, on se met l’objectif 5h.

Dans le calme de la fin de nuit réapparait le docteur qui est revenu faire un relais. Que s’est-il passé, les 2h avec sa collaboratrice lui auraient-ils fait du mal ??? en tout cas, il revient, fait 35mn et rend les armes cette fois-ci définitivement, sa « blessure l’ayant rattrapé ».

Allez pompier, me lâche pas, vas jusqu’à 6h de course, au moins il sera 7h du matin et du monde va arriver !!!ok ok  je vais essayer !!!

Il est 7h du matin, le « population » va revenir, le bruit, les relayeurs et aussi…le soleil vient de se lever , lalala lalala, pendant 2 secondes j’ai eu la pub Ricorée en tête mais elle s’est vite arrêtée.

Pompier 6h30 de course, il m’amène jusqu’à 7h30 du matin. Travail accompli, plus qu’accompli même. Un nouveau partage, plein de souvenirs et je me dis qu’en 2 ans, la première fois qu’on a couru ensemble la musique qui était à l’honneur était « viens boire un petit coup à la maison » et là il vient d’avaler 6h30 de course…pas de mots !!

Il me laisse hyper entamé avec près de 250Km de course, il reste 50km à peu près, je me dis que ça va aller, ça va être dur mais ça va aller !!! et va arriver ce qui arriva, le cauchemar, l’extinction, le vide, l’incompréhension dans un 1ertemps !!!

Il est 07h30 du matin, Damien est revenu faire un relais, je vois Mme La Directrice qui est venue aux nouvelles, l’air inquiet et sa vision me permet de ne pas m’emballer, parce que pour l’instant je suis épuisé mais j’ai la tête à faire des calculs et je me dis que je vais accélérer légèrement sur les 50 derniers km pour finir vers midi, pendant une minute, manque de lucidité, bêtise, voilà ce que je me dis et sa vision me ramène au côté cadré, sérieux, gestion…Heureusement !!!

8h du matin c’est la fin du jeu, à peu près 255km, il me reste l’équivalent d’un marathon et STOP, tout s’arrête en moi, la force disparue, l’énergie zéro, le manque de sommeil très présent, la motivation fantôme, rien rien rien rien. Je me dis que ça va revenir, effectivement c’est revenu mais 2 semaines après, pas avant !

Et là c’est les 5h les plus traumatisantes de mon expérience sportive. Des relayeurs entrent en piste : Bernard, Mamad, Axel, Karim, Jimmy, Snoop, Kévin, près d’une quinzaine d’amis m’entourent.

Sauf qu’à ce moment-là, même ma respiration me fait mal, l’eau et écœurante, le sucré répugnant, le salé dégoutant la musique inexistante malgré Larusso, Britney et autre Céline Dion, Marc Lavoine.

Chaque foulée est un supplice, chaque tour (170m) une éternité. Pour la 1ère fois de ma vie, le sport se transforme en peur, en crainte, en détresse. Et là la mécanique se met en place, j’ai du mal à avancer je réfléchis, j’ai peur de mon état physique, peur de tomber, peur de ne pas pouvoir finir, la remise en question que j’ai vécue vaut 1000 séances de psy. La mise à l’amende totale où je ne suis maître de rien du tout, où tu te sens partir à des moments  mais qu’il faut rester, où la déception t’envahit parce que tu sais qu’au prochain tour tu vas abandonner, où le mot abandon devient non plus une épreuve sportive mais le fait de se dire : tout ce qui a été mis en place par l’administration = poubelle, tout ce t’as mis à l’entraînement = poubelle, toutes les projections que tu as fait = poubelle, toute l’attente autour de toi = poubelle et surtout le fait de faire une course pour AIDA avec tout ce qui caractérise leur cause = poubelle. D’habitude, cette souffrance se serait transformée en transcendance et m’aurait permis de retrouver l’énergie. Là, au contraire, je sentais le poids de tout ça me faire plier et effectivement je pliais, mes trapèzes et cervicales me torturaient, mes lombaires avaient lâchées.

D’autres relayeuses et relayeurs avaient pris place : 2 CPIP, une prof de français, un coordinateur culturel, Reinald le coordo sportif, 2 autres surveillants.

J’étais hyper heureux de voir leur accompagnement mais ça ne se transformait pas et je ne pouvais même pas partager quelques tours heureux avec elles et eux.

Jusqu’à l’arrivée, ces 5h n’ont été que peur, peur, peur et peur. Un sacré coup au moral, à l’amour propre et à son « miroir ».

Dans l’épuisement, je me suis permis de penser à AIDA, non pas l’association mais la personne qui a donné son nom à l’association, bref c’est assez particulier à décrire et assez « intime » ! Pareil sur le pourquoi je courais qui était uniquement en tête.

Ce fut un moment particulier, très bizarre, très émotionnel, très indescriptible. Une sensation que je souhaite à tout le monde et personne à la fois !

Les personnes qui m’ont accompagnées à ce moment-là m’ont réellement permis de finir la course autrement qu’en Thriller !!!

Tout ce qui se passait autour m’a permis d’avoir l’idée d’abandonner pendant 1 seconde et elle disparaissait instantanément.

Maintenant, j’attendais 2 choses avec impatience, la 1ère le retour de Léa ce qui signifierait que ce serait bientôt fini. La 2ème, j’avais placé une « image », une « scène », une « enveloppe » à la dernière demi-heure, je l’avais placé la veille dans mon esprit et je voulais arriver à cette « scène », ça me tenait à cœur, une façon de dire merci à quelqu’un pour cet accomplissement. A bon entendeur ou entendeuse !!!

Toujours à 2 doigts de la rupture, la 2ème image se concrétise, ça signifiait qu’il ne restait que 5km, et ce fut un soulagement, d’une minute pas plus, je savais maintenant que la fin approchait mais chaque mètre faisait toujours aussi mal et très très dur à tenir nerveusement.

Par contre Léa, toujours pas là, je voulais absolument finir avec elle ! 4km, ma préoccupation première est vraiment de tenir le coup. Honnêtement, même à 3km de l’arrivée la question : comment je vais faire pour finir ?? était de mise. La peur ne s’estompait, d’habitude je « savoure » les derniers kilomètres, là aucunement.

J’attendais les tee-shirts bordeaux/prune pour m’accrocher à quelque chose, toujours pas !

On m’informe que l’équipe d’AIDA était sur le chemin, c’est-à-dire à 2-3mn, ce fut très long !

Effectivement les voilà, il me reste 2km, j’ai toujours mal et je cherche à lever la tête pour essayer de voir toutes les personnes autour de moi et toutes les personnes sur le côté qui m’encourageaient.

1Km c’est bientôt fini et dernière péripétie, un « ami » me suggère de finir fort, cela fait 10 ans qu’il me connaît et sait que j’apprécie ce genre de défi mais là ce n’était pas le moment et bah si, j’essaie quand même d’accélérer et c’est là que je comprends que mon corps m’est étranger, je pousse sur les jambes mais j’ai des fourmillements dans tous les muscles accompagnés d’une sensation en m’appuyant au sol de m’enfoncer dans du chamalow, mes tendons et articulations me rappellent à chaque foulée que l’hôpital t’attend à la prochaine foulée !!! Dans ce dernier effort, je recommence en serrant les dents à essayer de faire quelques « photos » pour garder des souvenirs en tête et là j’aperçois Roxane et Aurore nos éternelles copines de Champ Libre et 2 autres bénévoles AIDA, les cris, les encouragements me font un bien fou, il fallait que je m’arrête maintenant pour finir avec Léa, la seule crainte que j’ai c’est qu’il y a 15 personnes derrière moi, si je freine net, c’est fini pour mes chevilles, mon dos et tutti quanti, j’ai peur qu’on me marche dessus. Samy qui a compris leur demande de s’arrêter, je rejoins Léa qui me tient par le bras, un grand moment par ce qu’elle me soutient dans mon action et là elle me soutient physiquement. Nous finissons les 33 derniers mètres restant, elle me lit un papier avec tous les encouragements des bénévoles AIDA, sur le coup je fais mine de comprendre, je les ai savourés que 10 jours après en les relisant. Ces mots m’ont énormément touché.

Les 300Km sont bouclés en 27h44mn, je ne savoure pas pour le moment le chrono, ça arrivera 2 semaines après !

Pendant ces 27h44, pour vous décrire un peu ce qu’il en est, la musique d’Anastasia (Walt Disney / Pixar) est de mise ! des images me reviennent …je me souviens, il me semble….Y’a plein de choses que j’ai oublié tellement « neurologiquement » j’ai pris un coup, il m’a fallu 2 bonnes semaines pour retrouver mes esprits. Une chose que je n’oublie pas et que je n’oublierai jamais, c’est les sourires sincères et l’émotion à l’arrivée.

Beaucoup de visages m’ont touché, je pense que le mien aussi vu l’état. Aujourd’hui encore, les murs sont toujours décorés au logo d’AIDA. Le dépassement de soi et la cause défendue a, à l’unanimité, touchés tout le monde. Une journée parfaire, beaucoup de bonnes choses en sont sorties.

Personnellement, j’en sors lessivé, essoré, rincé, épuisé, amaigri, décalé dans mes réflexes mais encore meilleur, non pas sportivement, mais humainement, ce « voyage » m’a permis d’aller au plus profond de moi-même, d’évoluer, d’apprendre.

Des moments de douleurs, de peur, se sont transformés en moment d’accomplissement, de réflexion, de remise en question, d’acceptation et surtout d’humilité.

Le fait de penser à l’épreuve que subissait ces enfants et qui, eux, n’ont rien demandé, a engendré plein de choses en moi.

Voilà pourquoi j’aimerai remercier :

  • Mes directrices qui m’ont permis d’accomplir cette course, de m’avoir fait confiance et cru en moi, merci c’est gratifiant !
  • Merci The Queen et Capitaine F. de votre accompagnement et bienveillance, merci ! (bientôt le prochain chapitre).
  • Merci à Reinald pour tout !! des fois je suis chiant, je sais, mais bon, travail d’équipe Reinald !! que serait Zidane sans Deschamps !
  • Merci à l’USMP (médical) pour le suivi, pour la participation, une marathonienne a émergé !!! Merci Doc pour le coup de ciseau !!!
  • Merci à la RIEP pour l’aide informatique, les books, …une 2ème marathonienne a émergé ! jamais deux sans trois Myrtiana.
  • Merci aux CPIP d’avoir partagé cette course, ça m’a vraiment fait plaisir !
  • Merci Coordo culturel Michael ! sport et culture…
  • Merci Mme Le Faou, réellement touchant de vous voir courir !!!
  • Merci à Mathieu, l’ostéo, sacré boulot !!! merci de me plier dans tous les sens.
  • Merci aux coureuses et coureurs à l’extérieur !! je vais citer un bénévole AIDA les murs peuvent séparer mais les encouragements et les pensées vont au-delà de ça !
  • Merci à la librairie du Pincerais pour les 300 livres donnés gracieusement aux enfants !!! Un grand merci.
  • Un grand merci à tous mes amis qui ont souffert avec moi, se sont inquiétés pour moi, m’ont encouragé, m’ont porté, se sont mobilisés, se sont dépassés, ont porté le projet. Un grand merci, l’opération spartiate a été une réussite.
  • Merci aux surveillants qui m’ont accompagné, qui ont fait de très très belles distances. C’était déjà le cas, mais encore plus maintenant, un grand respect et grande joie de partager avec vous ces moments particuliers.
  • Merci à nos éternelles copines et copains de Champ Libre, un roman d’amitié (Glen Medeiros…), éternellement reconnaissant !!! A part entière dans notre réussite.
  • Un grand merci à Samy !! tout est déjà dit et tu le sais déjà ! la moitié des 300Km sont tiens. T’as couru 150Km en gros.
  • Et un grand merci de la part de tout le monde à AIDA, leurs actions, leur détermination, à travers leurs sourires, leurs mots, leurs bénévoles, un grand merci. La vérité est de votre côté !!! La vraie force !! le vrai chemin !!…une équipe de spartiates !!! N’importe quand, n’importe où, pour n’importe quelle distance, je remettrai mes baskets pour AIDA ! et enfin merci Léa pour ta lumière !